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Espaces Lacan
En rapport avec les documents sonores disponibles en archives au groupe Lutecium, les extraits bientôt proposés sur cette page sont une transcription écrite de la séance qui a été relue à l'aide de la bande son.
    Ceci 
  est cohérent, je le rappelle, avec cette opération de subversion de ce qui 
  jusqu'alors s'était soutenu à travers toute une tradition sous le titre de la 
  connaissance, et cette opération s'origine de la notion de symptôme. Il est 
  important historiquement de s'apercevoir que ce n'est pas là que réside la 
  nouveauté de l'introduction à la psychanalyse réalisée par Freud : la notion 
  du symptôme, comme je l'ai plusieurs fois marqué et comme il est très facile 
  de la repérer à la lecture de celui qui en est responsable, à savoir 
  Marx. 
    Ce qu'il y a, dans la théorie de la connaissance, 
  de fondamentale duperie, cette dimension du semblant qu'introduit la duperie 
  dénoncée comme telle par la subversion marxiste, le fait que ce qui est 
  dénoncé, c'est justement toujours dans une certaine tradition parvenue à son 
  acmé avec le discours hégélien, que quelque semblant y est instauré en 
  fonction de poids et mesure si je puis dire, à tenir pour argent 
  comptant, et ce n'est pas pour rien que j'emploie ces métaphores, puisque 
  c'est autour de l'argent, autour du capital comme tel, que joue le pivot de 
  cette dénonciation qui fait résider dans le fétiche ce quelque chose qu'un 
  retour de la pensée doit remettre à sa place très précisément en tant que 
  semblant. 
    Le singulier de cette remarque est tout de même 
  fait aussi pour nous faire apercevoir qu'il ne suffit pas que quelque chose 
  s'énonce dans cette dénonciation qui se pose comme vérité au nom de laquelle 
  émerge, se promeut la plus-value comme étant le ressort de ce qui réduit à son 
  semblant de ce qui jusque-là se soutenait d'un certain nombre de 
  méconnaissances délibérées, il ne suffit pas, remarquerai-je et l'histoire le 
  démontre, que cette irruption de la vérité se produise pour que pour autant 
  soit abattu ce qui se soutient de ce discours. 
    Ce discours, 
  que nous pourrions appeler dans l'occasion "capitaliste" en tant qu'il est 
  détermination du discours du maître, y trouve bien en fait et bien plutôt son 
  complément. Il apparaît que, loin que le discours capitaliste se porte plus 
  mal de cette reconnaissance comme telle de la fonction de la plus-value, il 
  n'en subsiste pas moins, qu'aussi bien capitalisme repris dans un discours du 
  maître est bien ce qui semble distinguer les suites politiques qui ont 
  résulté, sous forme d'une révolution politique, qui ont résulté de la 
  dénonciation marxiste de ce qu'il en est d'un certain discours du 
  semblant. 
    C'est bien en quoi je ne m'appesantirai pas ici sur 
  ce qu'il en est de la mission historique par là dévouée, dans le marxisme ou 
  tout au moins dans ses manifestes, dévouée aux prolétaires. Il y a là, je 
  dirais, un reste d'entification humaniste qui en faisant du prolétaire celui 
  bien sûr qui dans ce mécanisme se trouve le plus dépouillé, n'en montre pas 
  moins que quelque chose subsiste, qui le fait subsister effectivement dans cet 
  état de dépouillement, et que le fait qu'il soit le support, le support de ce 
  qui se produit sous l'espèce de la plus-value, n'est pas pour autant quelque 
  chose qui d'aucune façon le libère de l'articulation de ce 
  discours. 
    C'est bien en quoi cette dénonciation nous reporte 
  à une interrogation sur ce quelque chose qui pourrait être plus originel et 
  qui se trouverait dans l'origine même de tout discours en tant qu'il est 
  discours du semblant. C'est bien en quoi aussi ce que j'ai articulé sous le 
  terme de plus-de-jouir nous reporte à ce qui est interrogé dans le discours 
  freudien comme mettant en cause le rapport de quelque chose qui s'articule à 
  proprement parler et à nouveau comme vérité en opposition à un semblant, et 
  cette vérité, cette opposition et cette dialectique de la vérité et du 
  semblant se trouve, si ce que Freud a dit a un sens, située au niveau de ce 
  que j'ai désigné du terme du rapport sexuel. 
  
    J'ai 
  en somme osé articuler, inciter à ce qu'on s'aperçoive que si cette révélation 
  qui nous est fournie par le savoir du névrosé concernant quelque chose n'est 
  rien d'autre que ceci qui s'articule "d'il n'y a pas de rapport 
  sexuel." 
    Qu'est-ce que cela veut dire ? Non pas certes que 
  le langage, puisque déjà je le dis, "il n'y pas de rapport sexuel", c'est 
  quelque chose qui peut se dire, puisque maintenant c'est dit, mais bien sûr il 
  ne suffit pas de le dire, il faut encore le motiver ; et les motifs, nous les 
  prenons dans notre expérience prise du fil suivi de ce qui s'accroche à cette 
  béance fondamentale et ce fil suivi, il se noue, il a son départ central, 
  enroulé autour de ce vide dans ce qui donne le discours du 
  névrosé. 
    La dernière fois, j'ai - je vous l'ai fait sentir, 
  assez souligné - tenté d'amorcer d'un écrit comment peut se situer ce qu'il en 
  est du point de départ de ce fil. J'ai l'intention aujourd'hui, non pas bien 
  sûr - la chose est au-delà des limites de tout ce qui peut se dire dans 
  l'espace limité d'un séminaire - non pas de ce que le névrosé indique de son 
  rapport à cette distance, mais de ce que les mythes, les mythes dont s'est 
  ordonné, si je puis dire, non pas toujours sous la dictée, mais en écho au 
  discours du névrosé, les mythes que Freud a forgés. Pour pouvoir le faire dans 
  un temps aussi court, il faut partir de ce point vraiment central, qui est 
  aussi un point d'énigme du discours psychanalytique, du discours 
  psychanalytique en tant qu'il n'est ici qu'à l'écoute de ce discours dernier, 
  de celui qui ne serait pas du discours du semblant. 
  
    Il 
  est à l'écoute d'un discours qui ne serait pas, mais qui aussi bien n'est pas, 
  je veux dire que ce qui s'indique n'est que la limite imposée au discours 
  quand il s'agit du rapport sexuel. J'ai essayé, quant à moi au point où j'en 
  suis, d'où j'avance tout ce qui pourrait s'en formuler plus avant, de vous 
  dire que c'est de son échec au niveau d'une logique, d'une logique qui se 
  soutienne de ce dont toute logique se soutient, à savoir de 
  l'écriture. 
    Il est clair que l'oeuvre de 
  Freud est une oeuvre écrite, mais aussi bien aussi que ce qu'elle dessine de 
  ces écrits, c'est quelque chose qui entoure d'une vérité voilée, obscure, 
  celle qui s'énonce de ceci qu'un rapport sexuel, tel qu'il passe dans un 
  quelconque accomplissement ne se soutient, ne s'assied que de cette 
  composition entre la jouissance et le semblant qui s'appelle la 
  castration. 
    Que nous la voyons resurgir à 
  tout instant dans le discours du névrosé mais sous la forme d'une crainte, 
  d'un évitement, c'est justement en cela que la castration reste énigmatique ; 
  qu'aucune, en somme, de ses réalisations, sous des formes fort diverses, 
  mouvantes, chatoyantes, ou aussi bien l'exploration de la psychopathologie, du 
  phénomène analysable tout au moins de cette psychopathologie, que les 
  excursions dans l'ethnologie le permettent, il n'en reste pas moins que ce 
  quelque chose dont se distingue tout ce qui est évoqué comme castration, nous 
  le voyons sous quelle forme ? sous la forme toujours d'un 
  évitement. 
    Si le névrosé, si je puis dire témoigne de 
  l'intrusion nécessaire de ce que j'ai appelé à l'instant cette composition de 
  la jouissance et du semblant qui se présente comme la castration, c'est 
  justement en ce qu'il s'y montre de quelque façon inapte et, si tout ce qu'il 
  en est des rituels d'initiation qui, comme vous le savez, et si vous ne le 
  savez pas, vous n'avez qu'à lire les ouvrages techniques et pour en prendre 
  deux qui sont produits de l'intérieur du champ analytique lui-même, je vous 
  désigne respectivement : The problems of bisexuality as reflected in 
  circoncision, c'est-à-dire Problèmes de la bisexualité en tant que 
  réfléchis dans la circoncision de Hermann Nunberg, paru à  [...] 
  c'est-à-dire, en fin de compte à l'Imagopublishing de Londres, et d'autre part 
  l'ouvrage intitulé : Blessures symboliques, de Bruno 
  Bettelheim. 
    Vous y verrez, déployée dans 
  toute son ambiguïté, dans son flottement fondamental, l'hésitation en quelque 
  sorte de la pensée analytique entre une ordonnance explicative qui fait d'une 
  crainte de la castration laissée tout à fait en panne et en quelque sorte au 
  p'tit bonheur ou malheur, comme vous voudrez, des accidents dans lesquels se 
  présentent quelque chose qui, pris dans ce registre, ne serait que l'effet 
  d'on ne sait quel malentendu, lui-même source jaillie de préjugés, de 
  maladresses, de quelque chose de rectifiable ou au contraire d'une pensée qui 
  s'aperçoit qu'il y a bien là quelque chose dont la constance, à tout le moins 
  dans un nombre immense des productions que nous pouvons enregistrer sous tous 
  les registres, que les catalogues soient plus ou moins bien faits, que ce 
  soient ceux de l'ethnologie ou de la psychopathologie que j'évoquais tout à 
  l'heure, ou d'autres, nous mettent en face de ceci que c'est de - et Freud 
  l'exprime à l'occasion : il sait fort bien le dire dans Malaise dans la 
  civilisation - c'est à propos de quelque chose qui, après tout, ne rend 
  pas si nouveau ce que j'ai formulé de "il n'y a pas de rapport sexuel", il 
  indique, il indique bien sûr, en des termes comme il le fait d'habitude, tout 
  à fait clairs, que sans doute là-dessus très précisément à propos du rapport 
  sexuel, quelque fatalité s'inscrit qui y rend nécessaire ce qui alors apparaît 
  comme étant les moyens, les ponts, les passerelles, les édifices, les 
  constructions pour tout dire, qui, à la carence de ce rapport sexuel pour 
  autant qu'après tout, dans une sorte d'inversion de perspective, tout discours 
  possible n'en apparaîtrait que comme le symptôme, qui à l'intérieur de ce 
  rapport sexuel, ménage dans des conditions, dans des conditions que comme à 
  l'ordinaire nous reportons dans la préhistoire, dans les domaines 
  extra-historiques, qui dans ces conditions-là permettrait en quelque sorte la 
  réussite de ce qui pourrait s'établir d'artificiel, en suppléant à ce manque 
  inscrit en somme dans l'être parlant, sans que nous puissions savoir si c'est 
  de ce qu'il soit parlant que c'en est ainsi, ou au contraire de ce que 
  l'origine soit que le rapport n'est pas parlable, qu'il faut que s'élabore 
  pour tous ceux qui habitent le langage, qu'il faut que pour eux s'élabore 
  quelque chose qui remplisse, sous la forme de la castration, la béance laissée 
  dans ce quelque chose de pourtant essentiel, biologiquement essentiel à la 
  reproduction de ces êtres vivants, à ce que leur race demeure féconde. Tel est 
  bien en effet le problème à quoi semble faire face tout ce qu'il en est des 
  rituels d'initiation. 
  
Que ces rituels d'initiation comprennent des manipulations, opérations, incisions, circoncisions, qui visent et mettent leur marque très précisément sur l'organe que nous voyons fonctionner comme symbole dans ce qui, par l'expérience analytique, nous est présenté comme allant bien au-delà du privilège d'un organe, puisque c'est le Phallus, et le Phallus en tant que c'est à ce tiers que s'ordonne tout ce qui en somme met en impasse la jouissance qui fait de l'homme et de la femme en tant que nous les définirions d'un simple épinglage biologique ces êtres qui très précisément sont, avec la jouissance sexuelle et d'une façon élective parmi toutes les autres jouissances, en difficulté avec elle, c'est bien de cela qu'il s'agit et c'est de là que nous devons partir si nous voulons que se maintienne un sens correct à ce qui s'inaugure du discours analytique.
    S'il 
  existe - on nous le suppose - quelque chose de défini, c'est ce que nous 
  appelons la castration qui aurait le privilège de parer à ce quelque chose 
  dont l'indécidable fait le fond du rapport sexuel pour autant que la 
  jouissance y doit être ordonnée. Au regard de ceci qui ne semble pas 
  inévitable - et je parle de ces énoncés -, la dramaturgie de contrainte qui 
  fait comme ça le quotidien du discours analytique est tout à fait contraire, 
  tout à fait contraire à ceci, c'est une remarque et qui fait la valeur du 
  livre second de Bruno Bettelheim que je vous ai pointé et qui est évidemment 
  tout à fait contraire avec ceci qui est la seule chose importante : il ne 
  s'agit pas de repousser dans la préhistoire ce qu'il en est des rituels 
  d'initiation, les rituels d'initiation, comme tout ce que nous pouvons avoir 
  envie de repousser dans la préhistoire. Ils sont là, ils existent toujours, 
  ils sont vivants de par le monde : il y a encore des Australiens qui se font 
  circoncire, subinciser, il y a des zones entières dans la civilisation où la 
  circoncision règne et méconnaître que dans un siècle dit de lumière, ces 
  pratiques, non seulement subsistent, mais sont florides, se portent fort bien, 
  c'est évidemment de là que nous devons partir pour nous apercevoir que ce 
  n'est aucune dramaturgie concevable de contrainte quelle qu'elle soit, qu'il 
  n'y a pas d'exemple que ce soit seulement la contrainte. Il s'agit encore de 
  savoir ce que veut dire une contrainte, une contrainte n'est jamais que 
  quelque chose d'un tout autre ordre que la prétendue prévalence d'une 
  prétendue supériorité physique ou autre ; elle se supporte précisément de 
  signifiants et, si c'est à la loi, à la règle des dits signifiants que de tels 
  sujets veulent bien se soumettre, c'est bien pour des raisons 
  ! 
    Et ces raisons, c'est ce qui nous importe et c'est 
  là que nous devons bien plutôt interroger quelle est la complaisance, pour 
  employer un terme qui pour nous mener tout droit à l'hystérique n'en est pas 
  moins d'une portée extrêmement générale, la complaisance qui fait que subsiste 
  bel et bien, et en des temps tout à fait historiques ce qu'il en est de ce 
  qu'on nous présente comme quelque chose dont à soi seul l'image serait 
  insupportable, et elle pourrait l'être en effet insupportable pour tel ou tel, 
  et justement c'est de cela qu'il s'agit, c'est de savoir 
  pourquoi. 
  
    C'est 
  là que je reprends mon fil, c'est à suivre ce fil que nous donnons sens à ce 
  qui s'articule du langage dans ce que j'appellerai cette parole inédite, en 
  tout cas inédite jusqu'à une certaine époque qui, elle, est bel et bien 
  historique et à notre portée, cette parole inédite et qui se présente, en 
  somme, comme devant toujours pour une part le rester, il n'y a pas d'autre 
  définition à donner à l'inconscient. 
    Venons-en 
  maintenant à l'hystérique, puisqu'il me plaît de partir de l'hystérique pour 
  essayer de voir où nous conduit ce fil. L'hystérique, mais vous allez me 
  demander, enfin j'espère bien que non en tout cas, qu'est-ce que c'est 
  ? 
Justement enfin c'est cela le sens du discours analytique. C'est qu'à 
  une pareille question - qu'est-ce que c'est ? Qu'est-ce que ça veut dire, 
  l'hystérique en personne ? -, il me semble avoir travaillé assez longtemps à 
  partir de l'imaginaire pour indiquer qu'en personne, rappeler simplement ce 
  qui est déjà écrit dans le terme de "personne", ça veut dire en 
  masque. 
    Aucune réponse de départ ne peut être donnée de ce 
  sens. 
    A la question : Qu'est-ce que l'hystérique ? la 
  réponse du discours analytique, c'est "vous le verrez bien". Vous le verrez 
  bien justement à suivre où elle nous conduit. Sans l'hystérique bien sûr, ne 
  serait nulle part venu au jour ce qu'il en est de ce que j'inscris, puisque 
  j'inscris, j'essaie de vous donner la première ébauche logique de ce dont il 
  s'agit maintenant, de ce que j'écris F ( x ) - grand phi de x - qui est à savoir que la jouissance, cette 
  variable dans la fonction inscrite en x, se situe de ce rapport avec ce 
  F qui là désigne le Phallus, 
  découverte centrale, ou plutôt redécouverte ou, comme vous voudrez, rebaptême, 
  puisque, comme je vous l'indiquais la dernière fois, c'est du Phallus en tant 
  que semblant dévoilé dans les mystères que le terme est repris et non pas par 
  hasard, pour bien en sentir du [...]b. la dérision [...] c'est le 
  comble du paradoxe (rires) puisque c'est très précisément dans le fait que 
  c'est au semblant du Phallus qu'est rapporté le point pivot, le centre de tout 
  ce qui peut s'ordonner ou se contenir de la jouissance sexuelle que dès les 
  premières approches des hystériques, dès les "Studien über Hystérie", 
  Freud nous amène. 
    J'ai, la dernière fois, 
  articulé ceci qu'en somme à prendre les choses du point qui peut en effet être 
  interrogé de ce qu'il en est du discours le plus commun, que si nous voulons, 
  non pas porter à son terme ce que la linguistique nous indique, mais justement 
  l'extrapoler, à savoir nous apercevoir que rien de ce que le langage permet de 
  faire n'est jamais que métaphore ou bien métonymie, que le quelque chose que 
  toute parole quelle qu'elle soit prétend un instant dénoter ne fait jamais que 
  renvoyer à une connotation et que s'il y a quelque chose qui puisse au dernier 
  terme s'indiquer comme étant ce qui de toute fonction appareillée du langage 
  se dénote, je vous l'ai dit la dernière fois, il n'y a qu'une 
  Bedeutung, "Die 
  Bedeutung des Phallus", c'est là seul ce qui est du langage dénoté, 
  dénoté bien sûr sans que puisse jamais rien y répondre, puisque s'il y a bien 
  quelque chose qui caractérise le Phallus, ça n'est, non pas d'être le 
  signifiant du manque comme certains ont cru pouvoir entendre certaines de mes 
  paroles, mais d'être assurément en tout cas ce dont ne sort aucune parole. 
  Sinn et Bedeutung, c'est de là, je l'ai rappelé la dernière 
  fois, c'est de cette opposition articulée par le logicien vraiment inaugural 
  qu'est Frege, Sinn et Bedeutung définissent des repères qui vont 
  plus loin que ceux de connotation et de dénotation ; beaucoup de choses dans 
  cet article dont vraiment Frege instaure les deux versants du Sinn et 
  de la Bedeutung, beaucoup de choses sont à retenir, et spécialement 
  pour un analyste. 
    Car assurément, sans une 
  référence logique, et qui bien sûr ne peut se suffire de la logique classique, 
  de la logique aristotélicienne, sans une référence logique, il est impossible 
  de trouver le point juste dans les matières que j'aborde. 
  
  La remarque de Frege tourne toute entière autour de ceci que 
  portés à un certain point du discours scientifique, ce que nous constatons, 
  c'est par exemple des faits comme celui-ci, n'est-ce pas : est-ce la même 
  chose que de dire Vénus ou de l'appeler de deux façons, comme elle fut 
  longtemps désignée, "l'étoile du soir" et "l'étoile du matin" ? Est-ce la même 
  chose de dire Sir Walter Scott ou de dire "l'auteur de Waverley" 
  ? 
    Je vous préviens, pour ceux qui l'ignoreraient, 
  qu'il est effectivement l'auteur de cet ouvrage qui s'appelle 
  "Waverley". C'est à l'examen de cette distinction que Frege s'aperçoit 
  qu'il n'est pas possible en tous les cas de remplacer Sir Walter Scott par 
  "l'auteur de Waverley". C'est en cela qu'il distingue ceci que 
  l'auteur de Waverley véhicule un sens, un Sinn et que Sir Walter 
  Scott désigne une Bedeutung. 
  
    Il 
  est clair que si l'on pose, si l'on pose avec Leibniz que "salva 
  veritate", sauver la vérité, il faut poser que tout ce qui se désigne 
  comme élément d'une Bedeutung équivalente peut indifféremment se 
  remplacer, et si on met la chose à l'épreuve, je vais tout de suite le mettre 
  à l'épreuve selon des voies tracées par Frege lui-même, le roi George III - 
  peu m'importe que ce soit George III ou George IV, ça n'a en l'occasion que 
  peu d'importance - demandait, s'informait de savoir si Sir Walter Scott était 
  "l'auteur de Waverley". 
    Si nous remplaçons "l'auteur de 
  Waverley" par "Sir Walter Scott", nous obtenons la phrase suivante : "le roi 
  George III s'informait pour savoir si Sir Walter Scott était Sir Walter Scott, 
  ce qui bien évidemment n'a absolument pas le même sens. C'est à partir de 
  cette simple remarque, opération logique que Frege instaure, inaugure sa 
  distinction fondamentale du Sinn et de la 
  Bedeutung. 
    Il est tout à fait clair que 
  cette Bedeutung renvoie bien sûr à une Bedeutung toujours plus 
  lointaine. Pour lui, bien sûr, il s'en arrête à la distinction de ce qu'il 
  appelle le discours oblique et le discours direct. C'est pour autant que c'est 
  dans une subordonnée, que c'est le roi George III qui demande, que nous devons 
  ici maintenir les Sinn dans leur droit et ne remplacer en aucun cas 
  "l'auteur de Waverley" par "Sir Walter Scott". Mais ceci bien sûr est un 
  artifice, c'est un artifice qui pour nous, nous met sur la voie de ceci, à 
  savoir que "Sir Walter Scott" en l'occasion, c'est un nom, et aussi bien que 
  quand Monsieur Carnap reprend la question de la Bedeutung, c'est par le 
  terme nominatum qu'il le traduit, en quoi justement il glisse là où il 
  n'aurait pas fallu glisser. Car ceci justement est ce qui peut nous permettre 
  d'aller plus loin, mais certainement pas dans la même direction que Monsieur 
  Carnap. C'est celle de ce que veut dire le nom, nom : N.O.M. ! je le répète, 
  comme la dernière fois. 
    Il nous est très facile de 
  faire ici le joint avec ce que j'ai indiqué tout à l'heure. Je vous ai fait 
  remarquer que le Phallus ne répondait pas. Eh bien, ceci vous met sur la voie 
  du point que je désire ici accentuer, c'est que le Nom, le nom Name et 
  le nom "[prononcé Now?]" , mais on ne voit bien que les choses qu'au 
  niveau du nom propre, comme disait l'autre, le nom, c'est ce qui appelle, mais 
  à 
    Et 
  c'est bien ce qui fait le privilège du Phallus. C'est qu'on peut l'appeler 
  éperdument, il ne dira toujours rien. 
    Seulement ceci 
  alors donne son sens à ce que j'ai appelé en son temps la métaphore 
  paternelle, et c'est là que nous conduit l'hystérique. 
  
    La 
  métaphore paternelle, bien sûr, là où je l'ai introduite, c'est-à-dire au 
  niveau de mon article sur la Question préalable à tout traitement possible 
  de la psychose, je l'ai insérée dans le schéma général extrait du 
  rapprochement de ce que nous dit la linguistique sur la métaphore avec ce que 
  l'expérience de l'inconscient nous donne de la condensation. J'ai écrit le S 
  sur S1 multiplié par le S1 sur le petit s 
  

    Mais enfin il est bien 
  évident que ça n'épuise pas la question, qu'il n'y a pas seulement numéro : il 
  y a nombre. Pour tout dire, j'y vois le point d'aperception de la série des 
  nombres naturels, comme on s'exprime, et comme on s'exprime pas si mal, car, 
  vous le voyez, c'est très proche de la nature. 
    Je voudrais vous faire remarquer 
  que puisqu'on évoque toujours à l'horizon l'histoire, ce qui bien entendu est 
  une raison de suspicion extrême, je voudrais vous faire simplement 
  remarquer  ceci : c'est que matriarcat, comme on s'exprime, n'a aucun 
  besoin d'être repoussé aux limites de l'histoire. Le matriarcat consiste 
  essentiellement en ceci : c'est que pour ce qui est de la mère, comme Freud le 
  souligne à l'occasion, il n'y a pas de doute. 
    On peut à l'occasion perdre sa 
  mère dans le métro bien sûr, mais enfin il n'y a pas de doute sur qui est la 
  mère. Il n'y a également aucun doute sur qui est la mère de la mère, et ainsi 
  de suite. La mère, dans sa lignée, je dirai est innombrable. Elle est 
  innombrable dans tous les sens propres du terme. Elle n'est pas à numérer 
  parce qu'il n'y a pas de point de départ. La lignée maternelle a beau être 
  nécessairement en ordre, on ne peut la faire partir de nulle 
  part. 
  
    Je voudrais vous faire 
  remarquer d'autre part, ceci qui paraît être la chose qu'on touche le plus 
  couramment du monde, parce qu'après tout, c'est pas rare n'est-ce pas, il est 
  pas du tout rare qu'on puisse avoir pour père son grand-père, je veux dire 
  pour vrai père, et même son arrière grand-père. Oui. 
  
    Quand les gens vivaient, 
  comme il nous est dit dans la première lignée des patriarches aux environs de 
  900 ans, j'ai relu ça récemment, c'est très piquant, c'est un truquage 
  absolument sensationnel, tout est fait pour que les deux ancêtres de Noé là 
  les plus directs soient morts juste au moment où le Déluge se produit. On voit 
  ça : c'est fignolé. Enfin laissons ça de côté. C'est pour simplement vous 
  mettre dans la perspective de ce qu'il en est du père. 
    De ceci, voyez-vous ce qui résulte 
  dans ce que je vous ai dit, parce que l'heure s'avance, c'est que si nous 
  définissons l'hystérique par ceci qui définit - ça ne lui est pas particulier 
  - le névrosé, à savoir l'évitement de la castration, il y a plusieurs façons 
  de l'éviter. 
    L'hystérique a ce procédé simple, c'est qu'elle 
  l'unilatéralise de l'autre côté, du côté du partenaire. Disons qu'à 
  l'hystérique, il faut le partenaire châtré. Qu'il soit châtré, il est clair 
  que c'est au principe de la possibilité de la jouissance de l'hystérique. Mais 
  c'est encore trop. S'il était châtré, il aurait peut-être une petite chance, 
  puisque la castration c'est justement ce que j'ai défini tout à l'heure comme 
  étant ce qui permet le rapport sexuel. Il faut qu'il soit seulement ce qui 
  répond à la place du Phallus. 
    Alors, puisque Freud lui-même 
  nous indique,  [... je vais vous dire à quelle page] nous indique que 
  tout ce qu'il élabore comme mythe - ceci est à propos du Moïse,  "Je n'en 
  ferais pas ici la critique" dit-il de ce qu'il a lui-même écrit, à la date où 
  il le publie en 1938, sur son hypothèse historique, à savoir celle qu'il a 
  rénovée de celle de ?, "car tous les résultats acquis", dit la traductrice, 
  "constituent les déductions psychologiques qui en dérivent et sans cesse s'y 
  rapportent"... comme vous le voyez, ça ne veut rien dire. En allemand, ça veut 
  dire quelque chose, c'est denn sie bilden die Voraussetzung, car ils 
  forment la supposition der psychologischen ererterrungen, des 
  manifestations psychologiques qui, de ces données, von ihnen ausgehen, 
  découlent et toujours de nouveau, aus sich zurück kommen, y font 
  retour. 
    C'est bien en effet sous la dictée de l'hystérique 
  que, non pas s'élabore, car jamais l'Oedipe n'a été par Freud véritablement 
  élaboré, il est indiqué en quelque sorte à l'horizon, dans la fumée, si l'on 
  peut dire, de ce qui s'élève comme sacrifice de l'hystérique. 
  
    Mais observons bien ce 
  que veut dire maintenant cette nomination, cette réponse à l'appel du père 
  dans l'Oedipe. Si je vous ai dit tout à l'heure que ça introduit la série des 
  nombres naturels, c'est que là nous avons ce qui, à la plus récente 
  élaboration logique de cette série, à savoir celle de Peano, s'est avéré 
  nécessaire, c'est à savoir pas simplement le fait de la succession. Quand on 
  essaie d'axiomatiser la possibiIlité d'une telle série, on rencontre la 
  nécessité du zéro pour poser le successeur. Les axiomes minimaux de Péano - je 
  n'insiste pas sur tout ce qui a pu se produire en commentaires, en marge et en 
  perfectionnements - mais la dernière formule, c'est celle qui pose le zéro 
  comme nécessaire à cette série, faute de quoi elle ne saurait d'aucune façon 
  être axiomatisée et faute de quoi elle serait donc innombrable comme je le 
  disais tout à l'heure. 
    L'équivalence logique de la fonction du Père est 
  très précisément ceci, cette fonction du zéro trop souvent oubliée. Je ne peux 
  le faire qu'en marge et très rapidement. Je vous ferai observer que nous 
  entrerons dans le deuxième millénaire en l'an 2000 que je sache. Si simplement 
  vous admettez ça, d'un autre côté vous pouvez aussi bien ne pas l'admettre, 
  mais si simplement vous admettez ça, je vous ferai remarquer que ça rend 
  nécessaire qu'il y ait eu un an zéro après la naissance du Christ. C'est ce 
  que les auteurs du calendrier républicain avaient oublié : la première année, 
  ils l'ont appelé l'an I de la république. Ce zéro est absolument essentiel à 
  tout repérage chronologique naturel. 
    Et alors nous comprenons ce que veut dire le 
  meurtre du père. Il est curieux, singulier, n'est-ce pas que ce meurtre du 
  père n'apparaisse jamais, même dans les drames, comme le fait remarquer avec 
  pertinence quelqu'un qui a écrit là-dessus un pas mauvais chapitre, que même 
  dans les drames, il n'y a jamais... aucun dramaturge enfin n'a osé, comme 
  s'exprime l'auteur, faire représenter, manifester le meurtre délibéré d'un 
  père par un fils. Faites bien attention à ça, même dans le théâtre grec ça 
  n'existe pas : d'un père en tant que père. 
    Mais par contre, c'est tout de 
  même le terme meurtre du père, qui parait au centre de ce que Freud 
  élabore à partir des données que constituent du fait de l'hystérique et de son 
  bord le refus de la castration. Est-ce que ce n'est pas justement en tant que 
  meurtre du père ici est le substitut de cette castration refusée, que 
  l'Oedipe a pu venir s'imposer, si je puis dire, à la pensée de Freud dans la 
  filière de ses abords de l'hystérique. 
    Il est clair que dans la 
  perspective hystérique, c'est le Phallus qui est fécond et que ce qu'il 
  engendre, c'est lui-même, si l'on peut dire. La fécondité est forgerie 
  phallique et c'est bien par là que tout enfant est reproduction du Phallus en 
  tant qu'il est gros, si je puis m'exprimer ainsi, 
  d'engendrement. 
    Mais alors nous entrevoyons aussi, puisque c'est 
  du  que je vous ai inscrit l'impossibilité logique du choix de la 
  relation insatisfaite au rapport sexuel, que c'est 
  du papludun que je vous l'ai désigné ; c'est par là, que les incroyables 
  complaisances de Freud, pour un monothéisme dont il va chercher le modèle, 
  chose très curieuse, bien ailleurs que dans sa tradition. Il lui faut que ce 
  soit Akhénaton. Rien n'est plus ambigu, je dirai, sur le plan sexuel que ce 
  monothéisme solaire. A le voir rayonner de tous ses rayons pourvus de petites 
  mains qui vont chatouiller les nasaux d'innombrables menus humains, enfants de 
  l'un et l'autre sexe dont il est, dans cette imagerie de la sculpture 
  égyptienne, tout à fait frappant que, c'est le cas de dire, ils se ressemblent 
  comme des frères, mais encore plus comme des soeurs. Si le mot sublime peut 
  avoir son sens ambigu, c'est bien là, puisqu'aussi ce n'est pas pour rien que 
  les dernières images monumentales, celles que j'ai pu voir la dernière fois 
  que j'ai quitté le sol égyptien, d'Akhénaton, sont des images, non seulement 
  châtrées, mais carrément féminines. 
  
    Il est tout à fait clair 
  que si la castration a un rapport au Phallus, ça n'est pas là que nous pouvons 
  le désigner. Je veux dire que si je fais le petit schéma qui correspondrait au 
  "pas tous" ou au  "pas toutes", comme désignant un certain type de la 
  relation au phi de x, c'est bien en ce sens, que c'est au phi de x tout de 
  même que se rapportent les élus. 
    Le passage, le passage à la médiation - entre 
  guillemets - "masculine" n'est bien celle que de cet "au moins un" que je 
  soulignais et que nous retrouvons dans le Péano par ce n+1 toujours répété, 
  celui qui, en quelque sorte, suppose que le n qui le précède se réduit à zéro 
  par quoi ? Précisément par le meurtre du Père. 
    A ce repérage de, si l'on peut 
  dire, le détour, la façon, pour employer le terme de Frege lui-même - c'est 
  bien le cas de la dire - oblique ungerate, 
  dont le sens du meurtre du père se rapporte à une autre Bedeutung, c'est là 
  qu'il faudra bien que je me limite aujourd'hui, m'excusant de n'avoir pas pu 
  pousser plus loin les choses. Ce sera donc pour l'année 
  prochaine. 
    
  Je regrette que les choses se soient cette année trouvées forcément ainsi 
  tronquées, mais vous pourrez voir que le Totem et Tabou par contre, à 
  savoir celui qui met du côté du père la jouissance originelle, est quelque 
  chose à quoi ne répond pas moins un évitement strictement équivalent de ce 
  qu'il en est du noeud de la castration, strictement équivalent, ce en quoi se 
  marque bien ceci que l'obsessionnel, que l'obsessionnel pour répondre à la 
  formule "il n'y a pas de x qui existe qui puisse s'inscrire dans la variable 
  phi de x", l'obsessionnel, comment l'obsessionnel se dérobe simplement de 
  ceci, de ne pas exister. 
    C'est le quelque chose, auquel - pourquoi pas - 
  nous renouerons la suite de notre discours, l'obsessionnel en tant qu'il est 
  dans la dette de ne pas exister au regard de ce père non moins mythique qui 
  est celui de Totem 
  et Tabou, comment ? C'est là que s'attache, que s'attache réellement 
  tout ce qu'il en est d'une certaine édification religieuse et de ce en quoi 
  elle n'est, hélas, pas réductible, et même pas de ce que Freud accroche à son 
  second mythe, celui de Totem et Tabou, à savoir ni plus ni moins que sa 
  seconde topique, c'est ce que nous pourrons vous développer 
  ultérieurement. 
    Car notez-le, la seconde topique, c'est sa grande 
  innovation, c'est le Surmoi ; quelle est l'essence du Surmoi ? C'est là-dessus 
  que je pourrais finir, je pourrais finir en vous donnant quelque chose dans le 
  creux de la main, que vous pourrez essayer de manipuler par vous-même. Quelle 
  est l'ordonnance du Surmoi ? Précisément elle s'origine de ce père originel 
  plus que mythique, de cet appel comme tel à la jouissance pure, c'est-à-dire 
  aussi à la non-castration. Et qu'est-ce que ce père en effet dit au déclin de 
  l'Oedipe ? Il dit ce que dit le Surmoi. Ce que dit le Surmoi - ce n'est pas 
  pour rien que je l'ai encore jamais vraiment abordé, c'est : "jouis !". Tel 
  est l'ordre, l'ordre impossible à satisfaire, qui comme tel est à l'origine de 
  tout ce qui l'élabore, si paradoxal que cela puisse vous paraître, au terme de 
  la conscience morale. Pour bien en sentir le jeu, 
(fin bande-son) 
  
 